Témoignages d’anciens membres de la secte Moon
5 mai 2020
1. Ancien témoignage d’une mooniste japonaise
2. Les caractéristiques des secte
3. Les Moon sont entrés dans Paris – CARP 1990
4. Les révélations d’un renégat. Soejima Yoshikazu et Inoue Hiroaki
5. Témoignage d’un ancien responsable de la secte Moon en Russie
6. Le temoignage de Philippe Caby, ancien “mooniste”
7. Pasteur et ex-mooniste, Martin Herbst
8. Lettre d’une mère
9. “Nous avons sauvé Alice mais les autres…”
1. Secte Moon : Ancien témoignage d’une mooniste japonaise
Période 1980-1988 (extraits de l’article)
Introduction
… La secte Moon, comme en France, fait le recrutement directement dans la rue, sous forme d’enquête. (ces questions, bien étudiées pour obtenir les renseignements utiles pour accrocher la personne, se trouvent sur une feuille séparée). Les jeunes qui sont recrutés par enquête forment ce que j’appelle les gens des églises de la secte, c’est à dire ceux qui ont fait voeu de vivre et mourir pour Moon. Ils sont entre 20 000 à 30 000 au Japon. Ces chiffres datent du mois dernier (1989). La secte annonce toujours des chiffres impressionnants. Mais par les jeunes qui quittent la secte, nous arrivons à savoir à peu près combien, en réalité, il y a d’adhérents, maintenant au Japon.”
LE SECRET DES GOUROUS EXPLOITER L’ANGOISSE DES GENS
Le manipulateur d’âmes possède l’art de détecter chaque petite faiblesse de ses victimes : chez les japonais, il s’agit de la peur sur le sort des parents morts et de la peur de ne pas être à la hauteur dans la compétition forcenée entraînée par l’industrialisation (100 candidats dans les concours ouverts à 15 diplômes !)
Record de suicides des jeunes ! Moon a compris que les plus grandes fortunes se font en exploitant systématiquement l’angoisse des gens. Car celle-ci augmente les superstitions et le masochisme (le besoin de se sacrifier, de souffrir pour assurer le bonheur lointain des autres).
Mais le secret, cité plus haut, ne suffit pas. A grande échelle, une escroquerie, à base financière surtout, n’est efficace que systématiquement coordonnée.
“Pour en revenir au problème de ces vases, au Japon, dans la secte Moon, l’enseignement pour sauver l’âme de ses ancêtres est très important. Et c’est en toute bonne foi que les jeunes moonistes achètent ces objets, à des prix incroyables.
Les moonistes ont dirigé aussi leurs ventes sur les personnes âgées et femmes au foyer.
De jeunes moonistes sont devenus de véritables spécialistes dans la vente de ces objets.
Ils suivent des stages spéciaux dans les centres moonistes, où ils sont entraînés à la vente de ces objets. Généralement par deux, ils se présentent chez un particulier.
Ils n’indiquent jamais qu’ils font partie de la secte Moon. Certains anciens moonistes ont expliqué ce fait à la Télévision. Il faut dire que cela est bien recommandé par leurs chefs : ne pas dire qu’ils sont moonistes, et, s’ils sont arrêtés par la police, ne pas dire qu’ils travaillent pour la secte. Ils parlent souvent plusieurs heures avec les personnes, surtout de religion, et particulièrement de l’âme des défunts.
Ensuite, ils les invitent pour le lendemain à leur centre, où commence un véritable lavage de cerveau.
Un témoin de 70 ans a raconté à la télévision être resté plus de 18 heures dans un centre, sans pouvoir sortir, jusqu’à ce qu’il signe le contrat d’achat.
Les moonistes poussent le culot jusqu’à escorter ces personnes à la banque pour toucher l’argent. Ce système a duré plusieurs années.
Mais, il y a deux ans, un mooniste, Soejima, créateur du journal mooniste japonais Sekaï Nippon, chassé de la secte à coups de poings et de bâton, a fait des révélations à ce sujet.
『文藝春秋』1984年7月
これが『統一教会』の秘部だ – 世界日報事件で『追放』された側の告発
副島嘉和
そえじまよしかず
(「インフォメ一ション」編集発行人)
井上博明
いのうえひろあき
(「インフォメ一ション」営業担当)
Top Japanese leader, Soejima, interviewed by The Washington Post
Huge FFWPU / AUCM / Unification Church scam in Japan is revealed
▲ 上聖人祭 La Consécration des Saints. Cleopas Kundiona (Heung-jin nim noir) devant un autel du Tenchi Seikyō 天地正教 au dōjō de Shinjuku 新宿道場 le 27 février 1988 au Japon.
Ensuite, je dois dire que nous devons beaucoup à certains journalistes du journal Asaï Shimbun, qui par leur courage, ont réussi à porter le problème devant le grand public. Pour la première fois, il y a deux ans, ils ont expliqué dans un grand article, comment fonctionnait ce trafic scandaleux.”
Voici les messages principaux du témoignage personnel de Michiko, tels que Mlle V., interprète officielle de japonais, nous les a traduits durant quatre heures devant deux témoins.
L’enregistrement peut être consulté au secrétariat de l’ADVS (J’ai dû contracter le texte et le compléter par les confidences ultérieures de Michiko).
SOULAGER LA SOUFFRANCE PAR DES SACRIFICES !
AS = Association de Défense des Victimes de Sectes
Les prix ont convertis des yens en francs au cours été 1989.
AS – Vous avez été mooniste ?
Michiko – Oui, durant 15 mois, il y a de cela 3 ans. J’ai écrit un livre à ce sujet en collaboration avec le Pasteur qui m’avait aidée à me libérer. Le voici ce livre, en japonais, non traduit.
AS – Comment êtes-vous rentrée dans ce mouvement ?
Michiko – J’étais maîtresse d’Ecole Maternelle. Mais, durant mes études, qui ont duré jusqu’à mes vingt ans, je suivais, par intérêt personnel, des cours bibliques à l’Université, cela durant deux ans, à côté de mon travail. Ce qui m’y intriguait surtout, c’était la Genèse.
AS – Et pourquoi donc la Genèse ?
Michiko – A cause de l’histoire de Caïn et d’Abel. L’offrande de Caïn n’avait pas été acceptée par Dieu, mais celle d’Abel, oui. J’ai trouvé Dieu injuste et cela me bloquait totalement. Je ne comprenais pas. La réponse de mes instructeurs, que les plans de Dieu échappent à notre compréhension, ne me satisfaisait pas. On m’a dit alors de prier pour recevoir la lumière. Mais je ne savais pas prier : cela me donnait des soucis.
AS – Quelle est la religion de vos parents ?
Michiko – Mes parents sont shintoïstes comme tous les japonais traditionnels, très respectueux des rituels. J’ai fait, à cette époque, un stage dans des écoles maternelles protestantes …
J’étais aussi malade : un mal de gorge me donnait des difficultés de parler;
je me demandais si je pourrais rester dans ma profession. J’en ai parlé à une amie du Lycée qui m’a invitée à consulter quelqu’un …
J’allais de plus en plus mal : je l’ai suivie sans savoir qu’elle était mooniste depuis l’âge de 17 ans ! Elle m’a conduite d’abord au REIJO, dans un temple où l’on parle beaucoup de la généalogie, du culte des ancêtres. On y insistait pour découvrir les ancêtres qui risquaient de rester en enfer.
Pour soulager leurs souffrances, il fallait offrir des sacrifices, ce qui signifiait là-bas acheter des vases sacrés.
Prix moyen : 33 000 Fr. Hélas ! moi, je n’avais pas les moyens de payer un tel prix. J’ai pleuré. On m’a dit que tous mes problèmes de santé et de métier seraient résolus par ce geste : ce sont mes sacrifices qui comptent, non les sommes payées, ce qui donne la chance aux pauvres, auxquels le vase est proposé à 33 000,-Fr alors qu’il est vendu aux riches jusqu’à 130 000,-Fr.
C’est ainsi que j’étais harcelée de questions de 19h jusqu’à 2h du matin : 7 heures sans discontinuité. A cette heure, plus de bus. Je m’obstinais : je ne pouvais rien dépenser. Je n’ai été libérée qu’après avoir accepté d’acheter des carottes séchées : 14 000,-Fr pour 4 sachets d’une livre ensemble.
Sur place je ne pouvais régler que 150,-Fr. Mais le lendemain, je suis revenue donner encore 500,- Fr, 500,-Fr le mois suivant, etc … Je n’ai reçu aucune quittance … Pour trouver une solution à ce nouveau problème –, car j’avais peur d’être la victime d’un trafic – ma copine me suggéra de me rendre à la vidéothèque des moonistes pour commencer à y étudier le livre “Les Principes Divins”. (bible mooniste) Cela se passait en octobre..
AS – De quel trafic aviez-vous donc peur d’être la victime ?
Michiko – Je ne savais pas encore en octobre de quoi j’avais peur exactement. J’ai pourtant hésité jusqu’en janvier. Mes problèmes s’étaient empirés. J’allais donc à la vidéothèque pour un stage appelé : “Trois jours”. Là seulement j’ai compris que j’étais dans le mouvement de Moon.
J’étais enfermée avec d’autres, sans possibilité de contact avec l’extérieur : nous ne dormions pas assez mais on étudiait les Principes Divins du matin au soir. J’étais très émue par l’image du “DIEU QUI PLEURE”
Enfin, là j’ai compris que Dieu n’est pas du tout d’accord que nous nous tuions entre frères comme Caïn et Abel, qu’il est même très triste à cause de nos crimes. Mes doutes se sont envolés. Le dogme de Dieu qui pleure m’avait séduite.
AS – En aviez-vous parlé à vos parents ?
Michiko – Au contraire, car après ces 3 jours on m’avait inscrite pour le stage dit des “Quatre jours”. Mais pour nous y préparer, on nous demandait de quitter auparavant à la fois notre famille et notre métier. Il fallait à présent vivre seulement pour Moon, dans une maison communautaire de la secte, et travailler pour lui, pour lui seul. On nous conseillait de quitter progressivement la famille sans rupture brutale. La maison de Moon se situait au milieu entre ma maison familiale et l’école où je travaillais.
J’ai commencé par abandonner mon poste de travail. Aux questions inquiètes des parents, j’ai répondu alors que je voulais devenir indépendante ! Et j’allais dormir de moins en moins chez eux. Finalement fin mars, je n’avais plus ni travail ni famille.
Mes parents m’avaient pourtant mise en garde contre les sectes : en avril, ils ont été mis au courant de ma nouvelle vie chez Moon par des amis communs.
AS – Et votre santé, allait-elle mieux ?
Michiko – Oui, parce que j’ai été opérée fin avril à la gorge. Je n’avais pas donné ma nouvelle adresse à mes parents, je ne leur téléphonais plus non plus …
JE SUIS LE “MESSIE DE LA FAMILLE” !
AS – Mais, où avez-vous été opérée, dans quelle clinique ?
Michiko – J’ai subi mon intervention chirurgicale dans l’hôpital que la secte mooniste possède au Japon : on y est influencé par, le climat d’enthousiasme général qui y règne, on n’y résiste pas. Après ma guérison, j’ai été invitée à suivre le stage dit des “Sept jours” et cela’ au niveau national. J’y ai participé et y ai rencontré des ouvriers, des infirmières, des étudiants, etc … Et puis c’est moi-même qui insistais pour avoir le droit de travailler à présent pour Moon.
J’ai accepté le principe que l’activité économique prime actuellement et hâte l’arrivée du paradis terrestre : il fallait gagner de l’argent d’abord si l’on voulait gagner le ciel plus tard.
J’avais, je l’avoue, une tendance à accepter la souffrance et l’effort : j’étais ascétique. J’allais jusqu’à couper tous les ponts avec mes amis …
Mais je me rendais compte aussi que j’étais devenue très nerveuse, très instable, très déséquilibrée même. Depuis que je m’étais coupée de tout mon entourage habituel, j’avais perdu toute sérénité. Et puis à force d’être triste avec Dieu, une personnalité nouvelle et étrangère s’était installée en moi : je devenais lentement schizophrène.
AS – Vos parents ont dû remarquer cela ?
Michiko – C’est qu’ils ne me voyaient plus. Cependant cela a changé quand mon père a eu un accident, une fracture de la jambe. Quelqu’un devait s’occuper de lui. J’ai demandé l’autorisation et celle-ci m’a été accordée.
Je retrouvais alors des amis non moonistes mais je n’écoutais pas leurs objections : je m’enfermais en moi-même en me disant que c’était mon problème, qu’eux ne comprenaient pas. J’étais devenue mooniste parce que je pensais ainsi sauver mes parents : c’est que tous les parents déviés (= non moonistes) à leur mort, vont aux enfers.
Pour éviter cette catastrophe, quelqu’un doit être le “MESSIE DE LA FAMILLE”. Même si les parents le contestent, plus tard, dans 3 ans, ils comprendront. J’étais convaincue de cela.
AS – Etes-vous restée dans la famille alors ?
Michiko – Dès la guérison de mon père, je devais et voulais retourner dans la communauté mooniste et j’y étais très active. Un jour, on m’a demandé de faire venir ma petite soeur : il s’agissait de la convertir. Je l’ai effectivement amenée au centre vidéo mais cela ne m’a pas réussi à la gagner à ma cause.
AS – Vous dites vous étiez très active. Cela veut que dire quoi ?
Michiko – J’ai été chargée de vendre des tampons en ivoire, des cachets au design personnalisé.
La grande mode au Japon à cette époque ! Je faisais du porte à porte. Sans succès. Chaque soir il fallait faire un compte-rendu au chef de vente de la communauté. Le plus inquiétant : ceux qui n’avaient pas réussi à assurer leur rendement, le quota précis, devaient repartir après le dîner et vendre n’importe quoi dans les bars encore ouverts !
Parfois, mais rarement, j’arrivais à vendre une petite pagode en marbre, une pagode sacrée, dont je montrais le catalogue aux gens (rose, blanche ou grise). Vendre un objet sacré à une personne, c’est devenir le “PARENT DE L’AME SAUVEE”. Quel bonheur pour moi de pouvoir jouer ce rôle’ de sauveur d’âmes !
▲ Sun Myung Moon et Hak Ja Han avec une pagode sacrée
AS – Que coûtaient les fameux cachets en ivoire par exemple ?
Michiko – Suivant le modèle, entre 5 000 et 10 000,-Fr cela dépendait des inscriptions, aussi du nombre d’idéogrammes, de lettres. Comme mes résultats de vente étaient médiocres, j’ai été envoyée à un stage “d’un mois”, dit de “spécialiste des activités économiques” et cela dans une ville lointaine. Deux heures de train ! J’étais au milieu de 30 participants : nous apprenions à rédiger une fiche très précise sur chaque client.
Moyenne : 100 visites porte à porte à faire chaque jour avec liste précise. Sur cette liste figuraient à l’avance les problèmes des gens : parents malades, couples sans enfants, enfants infirmes, etc…
Ces clients achetaient plus facilement nos pagodes ou cachets. Nous avions avant tout le désir de consoler : Dieu pleure mais on peut y remédier… Bien entendu, la rivalité régnait entre vendeurs, qui signalaient les mauvais résultats des concurrents, leurs fautes.
On se culpabilisait. Bref, comme nous ne vendions qu’à 3 des 100 clients visités chaque jour, c’était épuisant : il fallait courir, courir toujours plus vite … entre 11h et 19h du soir.
Et chacun devait à la fin du mois avoir atteint son quota et avoir rapporté au moins 43 000,-Fr en chiffre d’affaires. Comme j’avais lors du stage d’initiation, été déclarée la meilleure vendeuse, j’avais à conserver mon prestige.
Très dur. Les mauvais vendeurs, dans l’intérêt de tous, étaient affectés au ménage de la maison, au nettoyage : c’était pour nous une vraie punition.
AS – Mais comment faisiez-vous pour tenir le coup ?
Michiko – Je n’ai pas toujours tenu le coup : je dormais mal et tout à coup, je suis tombée malade. J’ai dû arrêter mon travail durant 3 jours. On m’a demandé peu rattraper le chiffre d’affaires perdu en travaillant encore plus les jours suivants ! J’avais une dette à payer envers la communauté ! Pour gagner davantage je ressortais le soir vendre du poisson séché. Dur ! Durant 6 mois, c’est à peine si nous nous sommes donné le temps de manger.
AS – Mais où logiez vous alors ?
Michiko – Six mois par année, nous vivions à 7 dans un mini bus, serrés la nuit comme des sardines. Voyage dans tous les sens à travers le Japon. Chaque matin, il fallait annoncer son objectif pour la journée : tant et tant de francs à rapporter. Gare à celui qui n’y arrivait pas ! Les moonistes japonais, je vous le signale, sont plus zélés, plus fanatiques peut-on dire, que les moonistes américains.
AS – Quel a été à ce sujet votre plus grand succès ?
Michiko – J’ai réussi à vendre une pagode sacrée à 240 000,-Fr à une femme mariée. Son malheur ? pas d’enfant ! Mon exploit consistait à lui vendre cette pagode sans la lui livrer. Oui. Sans la lui livrer. Elle savait où se trouvait sa pagode et recevait à intervalles réguliers le droit de la voir quelques minutes. J’ai réussi à lui expliquer que pour l’équilibre général de son milieu, il valait mieux la laisser au temple : elle en était soulagée. Le chef m’a félicitée !
AS – Bravo ! Si j’étais industriel, je vous embaucherais sur le champ pour la représentation.
Michiko – Plusieurs de mes amis ont réussi de tels exploits
“A LA VIOLENCE PIÉGEANTE DE MOON, LES PARENTS RÉPONDENT PAR LEUR VIOLENCE LIBERATRICE
AS – Comment êtes-vous sortie du groupe Moon, Michiko ?
Michiko – J’y avais vécu un an et six mois quand mon dû suivre une cure dans une ville où je me trouvais. Je l’ai appris par lettre : j’ai immédiatement demandé à mon responsable la permission d’aller voir mon père. Comme j’étais la meilleure dans la vente, je suppose qu’à cause de cela il m’a donné l’autorisation de m’y rendre seule. Il m’a posé une condition : que mon père fasse un achat de 8 400,-Fr. Il m’a donné 2 000,-Fr pour lui offrir un cadeau et pour couvrir mes frais éventuels.
Après avoir discuté avec mon père, je voyais arriver des cousins et des oncles, en nombre toujours plus grand, très gentils et souriants. Ils m’entouraient joyeusement : tout à coup, je me sentais bousculée, pressée en avant dans les escaliers, dans le couloir : et finalement, malgré mes gesticulations et mes cris, dans un taxi qui démarra aussitôt. J’étais furieuse mais l’auto roulait vite, longtemps. Jusqu’à Osaka, ma ville natale : mes accompagnateurs ne me lâchaient pas une minute.
AS – Etiez-vous surprise par cette manoeuvre ?
Michiko – Non, pas tout à fait, mes parents ne lâchaient pas vite prise quand ils voulaient quelque chose. Je m’y attendais et on nous préparait à réagir au kidnapping. Celui-ci, s’il réussit, nous rend fous pour toute la vie et très malheureux !
Aussi dans cette éventualité, je tenais caché dans les replis de ma robe un billet de 50,-Fr pour me faciliter la fuite en cas de coup de force de mes parents.
Mais cette précaution ne m’a servi à rien; je me retrouvais enfermée dans une pièce d’un temple protestant dont les portes et les fenêtres étaient bien fermées ! J’enrageais, je boudais, je trépignais… puis, résignée, je restais couchée.
Tout à coup un monsieur très digne apparut : il se dit pasteur, il a déjà par ce procédé fait sortir plus de cent jeunes de la secte Moon. J’étais la 153ème sur son tableau. Et aussitôt il me donna une Bible et m’invita à la lire … Il revint ainsi le lendemain et chaque jour, parfois plusieurs fois mais je restais enfermée et muette. Et, puis un jour il parla de la brebis égarée : j’avais moi-même jadis raconté cette parabole à ma petite soeur.
J’étais émue : je me mis à répondre au Pasteur T. mais surtout pour lui dire que je ne quitterai pas Moon. Parfois, je regardais la liste des clients que j’aurais dû avoir visités !
AS – Et quel rôle jouaient vos parents dans toute cette opération ?
Michiko – Ils m’apportaient à manger et s’occupaient de mon linge : ils venaient surtout discuter avec moi pour mesurer mon évolution, et aider les efforts du Pasteur T. Mon père se mit souvent à pleurer, ma mère encore plus : j’avais le coeur gros mais je disais en moi : il faut que tu leur résistes ! Je voulais téléphoner à mes amis moonistes mais le Pasteur T. s’y opposait. Parfois tous étaient très excités : un jour, ma mère a levé la main, elle a failli me battre.
J’ai protesté contre ma séquestration : c’est bien pour sauver mes parents, malgré eux, que j’avais accepté de souffrir et de travailler. Pour me comprendre, ma mère est même allée au centre vidéo des moonistes : au retour elle m’a dit sèchement : ce n’est pas un endroit pour toi !
▲ La vérité contre Les Principes Divins
AS – Mais combien de jours êtes-vous restée enfermée dans le temple ?
Michiko – Dix jours … Ce qui a été décisif pour moi, c’est d’abord la révélation que m’avait donnée le rappel de la parabole de la brebis égarée :
Dieu qui me paraissait injuste envers Caïn, n’est pas si injuste que cela puisqu’il est capable d’oublier la masse, le troupeau entier, en faveur d’une petite bête perdue, d’une petite âme comme la mienne.
C’était là le premier choc. Le deuxième choc vint le jour où le Pasteur T. me lit un passage de l’Epître de Paul à Tite !
“ … nous aussi nous étions insensés, désobéissants, etc … Mais lorsque la bonté de Dieu notre Sauveur et son amour pour les hommes ont été manifestés, il nous a sauvés, non à cause des oeuvres de justice que nous aurions faites, mais selon sa miséricorde, par le bain de la régénération et le renouvellement du Saint Esprit …”
Chacun a donc ses chances : le Dieu chrétien ne me paraissait plus injuste du tout. Au contraire : Il est le -Sauveur et pour chacun de nous. Cela changeait tout.
Secret universel des gourous escrocs : empêcher les disciples de réfléchir par eux-mêmes.
AS – Au fond ces 2 chocs vous ont enfin de nouveau permis de pense par vous-mêmes.
Michiko – C’est exactement cela. C’est ce qui m’a permis tout lentement de découvrir tous les mensonges de Moon, que me révélait avec précision le Pasteur T. Celui-ci connaissait à la lettre les Principes Divins qu’il avait lus dix fois. A la fin, j’ai déclaré avoir compris mon erreur et vouloir reprendre ma vie en famille et dans mon métier. C’était un jour de fête pour mes parents : ils sont venus me chercher au temple en pleurant de joie.
AS – Depuis cette faites-vous ?
Michiko – De fait, époque, cela fait trois ans, que je ne suis pas retournée à l’école comme institutrice. Mon souci, c’était de libérer des griffes de Moon les copines que j’y avais entraînées de par ma faute. Mais cela, c’est un autre roman ! Cela m’a mise en contact avec un avocat qui était submergé de plaintes des victimes de la secte Moon : des clients qui n’allaient pas mieux avec leur pagode dans l’appartement et qui ont compris la supercherie.
Des milliers de procès étaient en préparation. Cet avocat a formé un collectif de 300 de ses collègues de toutes les provinces du Japon pour mener son action. A cet effet, il m’a demandé de l’aider dans sa tâche : je suis devenue la secrétaire, spécialiste de la secte Moon, dans le cabinet de cet avocat.
AS – Est-ce que ce ne sont pas les français, victimes de Moon, qui auraient plutôt à aller au Japon pour y apprendre comment lutter contre cette hydre ?
Michiko – Il m’est difficile de répondre : les mouvements qui aident les victimes de Moon, comme le vôtre en Alsace, font beaucoup mais ne disposent que de pauvres moyens financiers. La situation est différente chez nous : on ne peut pas comparer.
AS – A ce propos, je trouve que nous avons parlé beaucoup d’argent au lieu de parler de religion à propos de Moon.
Michiko – Ce n’est pas un hasard. Les moonistes sont harcelés du matin au soir par ce problème : rapporter beaucoup de sous ! Imaginez-vous que nous touchions 500,-Fr par mois pour nos frais d’entretien personnels et 25,-Fr par jour pour notre alimentation.
Mais chacun de nous rapportait 43 000,-Fr en moyenne à la communauté chaque mois. Et pas de couverture sociale : ceux qui ne peuvent plus travailler ou qui tombent gravement malades sont simplement renvoyés à leurs familles. Dieu est fatigué et, pour l’aider, il faut des hommes forts et sains, nous disait-on.
AS – Donc pas question de faire des économies pour les moonistes !
Michiko – Vous voulez rire ! Je ne pouvais même pas m’acheter un journal, je ne parle pas des livres que j’aurais voulu acquérir !
AS – Et vos distractions : cinéma, télé, radio, sport, promenade, visite …?
Michiko – Vous n’y êtes pas : des loisirs ? Cela n’existe pas dans la secte Moon : ce serait perdre de l’argent, donc mauvais. Celui qui cherchait des distractions était sur le point de céder à Satan : il fallait l’aider à s’en libérer, le remettre au travail rémunérateur !
AS – Une obsession donc !
Michiko – Si vous voulez. Mais nous étions fiers de lire les bilans triomphants sur le plan national. On y parle en milliards de francs, oui, pour tout le Japon en une année.
Le ‘Consumers Center’ qui accueille les plaignants à Tokyo dispose de chiffres qui font rêver. Exemple : les 20 000 victimes de Moon qui ont consulté ce centre, les clients, acheteurs de pagodes ou de cachets, etc… ont en 7 années versé un total se montant à 21 milliards de francs ! Qui dit mieux ?
AS – J’ai de la peine à croire. Ce sont des chiffres de budget d’Etat !
Michiko – Je me souviens d’un fait : en 1988, environ 6 000 victimes ont porté plainte contre Moon, auquel ils avaient versé plus de 700 millions de francs, à eux seuls en un an ! Voilà pourquoi une LAWYERS CONNECTION SOCIETY a été fondée et regroupe, comme je l’ai dit, au moins 300 avocats à travers tout le pays : ceux-ci examinent environ 15 000 plaintes à propos de ventes faites de 1980 à 1987.
年 | 被害弁連 (東京分) |
全国弁護団 (東京分除く) |
消費者センター | 合計 | ||||
件数 (件) |
被害金額 (円) |
件数 (件) |
被害金額 (円) |
件数 (件) |
被害金額 (円) |
件数 (件) |
被害金額 (円) |
https://www.stopreikan.com/syohin_higai.htm
AS – Ces chiffres me donnent le vertige j’ose à peine les répéter !
Michiko – Répétez les : ce sont des faits vérifiables dans les comptabilités. Ces faits d’ailleurs ont obligé Moon à renoncer à la vente des vases et pagodes sacrés : en ce moment on vend surtout des tampons en ivoire. A tel point qu’on peut dire que Moon est le meilleur allié des tueurs d’éléphants ! Un éléphant qui pleure, cela ne fait pas le poids à l’idée que Dieu pleure !
AS – Dernière question : je reviens à ce que vous disiez en début à propos de Caïn et d’Abel; qu’en pensez-vous à présent ?
Michiko – Je ne peux pas en parler aussi bien que T. avec lequel j’en ai discuté des jours entiers. Je préfère ne pas répondre maintenant à cette question trop difficile pour moi. Disons que je suis très près de la position protestante.
2.
Les caractéristiques des secte
Mode de fonctionnement des sectes
1. Rejet le monde extérieur. Difficultés pour quitter le group
2. Structure organisée sur un monde autoritaire
3. Adhésion inconditionnelle. Contributions financières excessive
4. Contrôle mutuels des membres. Disponibilité toujours plus importante
5. Endoctrinement des enfants
6. Prosélytisme abusif
3. Les Moon sont entrés dans Paris – CARP 1990
L’Express – 31 août 1990 p. 58-59
Messie
▲ Gil Cornevaux, secrétaire général de la mairie de Vélizy, négociant avec Patrick Jouan et Pierre Ceyrac, député européen du FN. Hyo Jin Moon, fils du révérend, qui présidait les « olympiades », à Vélizy.
« Olympiades » à Vélizy, pseudo-débats au Cnit, grand-messe au palais des Congrès. La secte a tenu sournoisement, en France, sa 7e Convention. L’Express Va débusquée.
Samedi 25 août, 10 heures du matin. Accoudés au rebord de leur fenêtre, les habitants des HLM qui surplombent le stade Roland-Wagner, à Vélizy (Yvelines), écarquillent les yeux, stupéfaits. Sur la piste d’athlétisme, des délégations de 80 pays défilent, derrière leurs drapeaux, au son d’une marche militaire. Plusieurs centaines de jeunes gens et de jeunes filles saluent, le bras levé, en passant devant la tribune, et poussent un cri guttural à destination d’une brochette d’officiels, pour la plupart asiatiques, plantés au garde-à-vous dans leurs tenues blanches. Des banderoles déployées annoncent la couleur : « 7th Hanmadang Games » à Paris. Le sigle est celui du CARP (Comité académique pour la recherche des principes), la filiale étudiante de la secte Moon. Le fils du révérend, Hyo Jin Moon, à la place d’honneur, préside ces curieuses olympiades. Un haut-parleur à la main, il se lance dans une harangue à l’adresse de ses disciples…
Aussitôt, un commissaire de police traverse la pelouse et court vers la tribune en brandissant sa carte tricolore. « Arrêtez tout, ou on vous expulse ! » hurle-t-il. Une dizaine de gardes du corps, l’écouteur à l’oreille, s’interposent lorsque le policier tente d’arracher le porte-voix. Le fils Moon en profite pour s’enfuir dans sa Mercedes noire. Les fidèles sont pétrifiés. Les organisateurs, aussi, qui voient les forces de police encercler le stade.
Sans le savoir, Vélizy avait été choisi, avec le Cnit, à la Défense, et le palais des Congrès, porte Maillot, pour abriter la 7e Convention du CARP, organisée pour la première fois en France.
Fondé par le révérend lui-même et dirigé par son fils, le CARP rassemble, de par le monde, tous les jeunes de l’organisation mooniste. C’est notamment à travers lui que s’organisent les filières de recrutement en milieu étudiant. Pendant trois jours, les congressistes comptaient, dans la plus grande discrétion, débattre le « rôle des étudiants dans les années 90 », participer à une compétition sportive et assister à un spectacle culturel. Ces paisibles activités servant habituellement de prétexte à l’Eglise de l’unification pour faire de nouveaux émules. Fidèles à une méthode qui a fait ses preuves, les moonistes avancent masqués : les responsables de la mairie de Vélizy en ont fait les frais.
Les installations sportives de la ville avaient été retenues depuis plus de six mois par un « groupement d’étudiants » qui souhaitait y organiser des olympiades. La semaine dernière, la mairie apprend qu’il s’agit, en réalité, des moonistes. Le secrétaire général, Gil Cornevaux, convoque alors les représentants français du CARP. « Vous m’avez roulé dans la farine », leur dit-il. Menaçant de tout annuler, il exige un programme imprimé et découvre que, outre les joutes sportives, les organisateurs ont prévu une « bénédiction », un lever du drapeau mooniste et une mystérieuse cérémonie de « promesses ». Un discours doit également être prononcé par Hyo Jin Moon. Pour le secrétaire général, c’est inacceptable : il interdit en bloc toutes ces manifestations sectaires. Les responsables du CARP promettent alors de respecter les consignes de la mairie. Gil Cornevaux n’y croit guère, et prend ses précautions : il fait verrouiller la sono, enlever la drisse du mât et mobilise la police, avec l’accord de la préfecture. Effectivement, le CARP ne respecte pas sa parole : le fils Moon, privé de sono, utilise un porte-voix. L’intervention du commissaire Gilbert provoque la fureur des organisateurs : la convention tourne au fiasco. Certains adeptes — principalement de nouvelles recrues des pays de l’Est — quittent le stade, déboussolés. La fanfare de Levallois-Perret et les majorettes d’Antony ne parviennent pas à endiguer le désastre. Les cadres coréens envoient alors en première ligne Pierre Ceyrac, député européen du Front national et l’un des idéologues de Moon France. Sanglé dans le blouson blanc réservé aux officiels, Ceyrac se jette dans la mêlée, invective le commissaire Gilbert et le secrétaire général Cornevaux, jurant de les traîner devant les tribunaux. Patrick Jouan, président de la section française du CARP, ancien chef des moonistes ardéchois, arrive en renfort. Il menace : « Je vais appeler mes amis : M. Taittinger, le maire de Versailles, le cardinal Lustiger. Et beaucoup d’autres ! » Gil Cornevaux n’en a cure. Il répète qu’ici c’est lui le patron. Sa détermination finit par triompher. « Ça va, lâche Ceyrac, on ne fera que du sport. Mais c’est une honte pour la France ! » Patrick Jouan, lui, doit promettre, par écrit, que Hyo Jin Moon ne reviendra pas, en fin d’après-midi, pour la remise des coupes.
Celles-ci seront distribuées en soirée et à huis clos, au Cnit, dans l’amphithéâtre Léonard-de-Vinci. C’est dans cette salle que la convention avait commencé, le jeudi 23 août. Les responsables du Cnit se seraient-ils, eux aussi, fait bluffer par une association écran ?
Non ! Dès la mi-juillet, ils étaient informés par l’Adfi (Association de défense des familles et de l’individu) de la véritable nature du CARP. La vice-présidente de l’Adfi s’en était entretenue avec François d’Hailly, directeur commercial. En dépit d’un débat interne, la direction générale devait malgré tout maintenir la location. « Moon, je ne sais pas qui c’est… Et puis, c’est pas à nous de porter des jugements », répond Jean-Hervé Lorenzi, patron du Cnit, interrogé par L’Express. Dans la revue maison, « Vision Cnit », un article de propagande présente cette manifestation — sans jamais citer Moon ni même le CARP — comme une réunion des « acteurs du système universitaire mondial » !
Au palais des Congrès, porte Maillot, la réservation du grand auditorium s’est faite par un intermédiaire : l’agence bretonne de la Fiduciaire générale, une société de conseil en droit des affaires. L’Adfi avait une fois de plus prévenu les dirigeants. « C’est exact, admet Claude Blot, directeur général, mais, franchement, est-ce que ça risquait de troubler l’ordre public ? » Et d’ajouter : « Vous savez, avant Moon, on a bien accueilli l’Eglise de scientologie ! » Le palais des Congrès est pourtant sous la tutelle de la chambre de commerce et d’industrie de Paris. L’Education nationale n’est pas non plus à l’abri des manipulations moonistes. Plusieurs professeurs participaient aux « débats », dont Bernard Valade, professeur de sociologie à la Sorbonne, et François Pitti-Ferrandi, professeur de littérature à Paris IV. Quant aux « étudiants », nombre d’entre eux étaient logés à Châtenay-Malabry, sur le campus de l’Ecole centrale.
Renaud Leblond ■
4. Les révélations d’un renégat
(L’empire Moon – Jean-François Boyer, p.156-162, 168-173)
La très sérieuse revue Bungei-shunju publie ce mois-là un long article これが『統一教会』の秘部だ consacré aux finances de l’Église de l’Unification au Japon. Une bombe. Il est signé de Soejima Yoshikazu et Inoue Hiroaki, deux anciens responsables de la Famille. Quelques mois plus tôt, Soejima était encore rédacteur en chef du Sekai Nippo, le quotidien ultraconservateur lancé en 1975 par les moonistes pour soutenir les activités de Victoire sur le communisme. Il a quitté ses fonctions et abandonné l’Église, dit-il, car on ne lui a pas permis de transformer le journal en un grand organe conservateur indépendant de l’Église.
Son témoignage fait beaucoup de bruit — il sera largement repris aux États-Unis par le Washington Post —, car c’est la première fois, depuis le début des années soixante-dix, qu’un dirigeant de ce calibre renie ses « frères » moonistes. La fidélité et le silence des lieutenants du « Père » n’ont que peu d’équivalents dans le monde des grandes organisations internationales. Les précisions apportées par Soejima permettent de dessiner les détails du fonctionnement de l’une des plus belles machines « à faire du fric » que connaisse le monde occidental.
L’Église de l’Unification compte, selon ses porte-parole, 200 000 adhérents au Japon dont le quart travaillerait à plein temps pour la Famille. Faux, dit Soejima, pas plus de 8 000… Peu importe ! Les moonistes japonais sont assez nombreux pour que des milliers d’entre eux se consacrent à la vente à domicile.
Le système mis en place est d’une grande simplicité. Une compagnie d’import-export appartenant à la Famille — Happy World Inc. — reçoit de Corée, à très bas prix, des articles fantaisie et du ginseng élaborés par Tong Il, Il Shin Stone et Il Hwa. La compagnie a pignon sur rue dans le quartier des affaires de Tokyo — Shibuya Ku —, et des grossistes dans tout le Japon. Pour s’adapter à l’implantation de l’Église, le pays a été divisé en dix zones. Chaque grossiste y dessert des concessionnaires qui, à leur tour, fournissent des détaillants, chez qui se servent les démarcheurs.
La multiplication des intermédiaires — eux aussi moonistes mais juridiquement indépendants de Happy World Inc. — permet la dissimulation du bénéfice réel réalisé par l’importateur. Grossistes, concessionnaires et détaillants sont, en effet, aux yeux du fisc, des entreprises indépendantes. Personne ne doit savoir que les profits réalisés par chaque maillon de la chaîne sont cumulés et rétrocédés à l’Église. Ils échappent ainsi à l’impôt.
Prenons l’exemple d’un sceau en ivoire. Happy World Inc. le paie 10 000 yens (environ 40 dollars en 1983). Le détaillant l’achète au concessionnaire 30 000 yens, soit trois fois plus cher. Ce bénéfice ne sera pas imposé comme il le devrait puisqu’il n’apparaît jamais comme tel, ayant été partagé par trois commerçants successifs censés ne pas se connaître.
Il le sera d’autant moins que les intermédiaires les plus importants — les dix grossistes et leurs concessionnaires — limitent volontairement leurs marges. Le gros des bénéfices est en effet réalisé en bout de chaîne par les colporteurs-consignataires à qui le détaillant cède le sceau pratiquement au prix où il l’a acheté mais en lui imposant de le vendre au minimum 100 000 yens, soit dix fois le prix d’importation.
Le dernier vendeur, grâce à sa technique d’approche très spéciale, génère donc 70 % du profit. Il en déduit quelques maigres yens pour ses frais — n’oublions pas que c’est un militant travaillant pour la cause et qu’il mène le plus souvent une austère vie communautaire — et remet la quasi-intégralité de ses gains au responsable financier local de la Famille.
Il arrive fréquemment qu’un vendeur négocie bien au-delà des prix-plancher fixés par le détaillant. Certaines ventes record donnent le vertige : 1 200 000 yens pour un sceau prévu à 100 000. 5 000 dollars au lieu de 410 pour un bout d’ivoire ! Et, nous l’avons vu, vases et pagodes — objets plus symboliques — permettent des « culbutes » encore plus spectaculaires. Soejima est formel : en 1982-1983, un vendeur moyen rapporte environ 4 000 dollars par mois.
Le secret de leur réussite ? Une formation intensive aux techniques de vente les plus adaptées aux mentalités et à la culture japonaises. Des milliers de vendeurs suivent ainsi des stages audiovisuels dans les locaux de l’Église. Les professeurs insistent beaucoup sur la dimension religieuse de ce combat pour l’argent, destiné à financer « la restauration du Royaume de Dieu » aux États-Unis.
Le manuel d’instruction qui ne quitte pas ces nouveaux camelots de Dieu s’intitule très saintement Guide des conversations de saint Jean ! Il leur explique comment déceler le point faible du client en l’interrogeant sur la santé physique et mentale de sa famille et, surtout, comment le persuader des vertus surnaturelles des objets qu’il propose.
Des fortunes passent donc entre les mains des démarcheurs moonistes. C’est là le seul point faible du dispositif. Les vendeurs sont en effet officiellement inscrits au registre des commerçants ambulants et assujettis à l’impôt sur le revenu. Par l’intermédiaire des détaillants, le fisc peut donc se faire une idée de la quantité de marchandises qu’ils écoulent et les imposer forfaitairement en extrapolant à partir des prix pratiqués entre concessionnaires et magasins de détail.
L’impôt, dans tous les cas, sera inférieur à ce qu’il devrait être si le Trésor avait connaissance des gains réels.
L’Église, pourtant, se refuse à payer. Son éthique ne s’embarrasse pas de morale civique. Son monde n’est pas celui du commun des mortels. Alors, une fois encore, elle fraude : l’activité de ses 3 000 vendeurs est gérée par ordinateur. La machine apprécie à tout instant s’ils risquent de dépasser le seuil de revenus qui les désignera à la vindicte du percepteur. Ils sont dans ce cas immédiatement prévenus et ordre leur est donné de changer de domicile. Une nouvelle communauté les accueille et le fisc perd leur trace.
Huit cents millions de dollars pour l’Amérique
Depuis que Moon lui en a donné l’ordre, en juillet 1975, l’Église japonaise s’est peu à peu transformée en principal pourvoyeur de fonds de la Famille américaine. Il lui arrive même, par périodes, d’interrompre certaines activités — politiques en particulier — pour affecter l’ensemble de ses fidèles au fundraising, à la collecte d’argent. Ce fut le cas pendant deux mois et demi, de novembre 1983 à janvier 1984, pour combler le déficit consécutif au lancement du Washington Times, le rutilant quotidien mooniste qui engloutit chaque mois plus de deux millions de dollars.
Très politique à ses débuts, centrée sur le développement de Victoire sur le communisme, dominée par la figure d’Osami Kuboki — président de l’Église et leader de la section japonaise de la Ligue anticommuniste mondiale —, l’organisation se « commercialise » nettement à partir de 1980. Signe des temps, le président de Happy World Inc., Motoo Yoshida, devient vice-président de l’Église, et la section financière qu’il constitue en son sein prend le pas, petit à petit, sur toutes les filiales de la Famille.
Yoshida partage son temps entre le Japon et l’état-major new-yorkais de l’Église. Son principal interlocuteur « américain » est un autre Japonais, Takeru Kamiyama, le financier de Moon, l’homme qui accompagnera le « Père » en prison, en 1984, condamné lui aussi pour fraude fiscale par la justice américaine. Ensemble, ils élaborent la stratégie de Happy World Inc. en fonction du plan de bataille américain.
Soejima affirme que, de 1975 à 1984, ils ont organisé le transfert d’au moins huit cents millions de dollars vers les États-Unis. Environ cent millions de dollars par an à partir de 1981. Une somme considérable : l’équivalent des bénéfices annuels de la première entreprise sidérurgique japonaise, Nippon Steel, qui compte, elle, 70 000 employés.
Malgré cette hémorragie, l’Église a continué à vivre, à nourrir et à transporter ses milliers de membres, à publier des dizaines de petits journaux religieux et politiques et son grand quotidien national, à organiser les étudiants anticommunistes sur les campus grâce à son mouvement universitaire — le CARP —, à financer certaines campagnes électorales de la droite japonaise. Elle s’est même offert le luxe d’accueillir deux très coûteuses réunions internationales à Tokyo : en 1982, la XVIe conférence de la Ligue anticommuniste mondiale et en 1984 la VIIe conférence mondiale des médias, grande fête annuelle de la communication à laquelle Moon a convié le gratin international de la presse et de l’intelligentsia antisoviétique. À titre de comparaison, un rassemblement analogue tenu en 1970 dans la capitale japonaise avait déjà coûté — Moon lui-même en a témoigné — la bagatelle d’un million de dollars…
À l’évidence, les revenus de l’Église japonaise dépassent largement les cent millions de dollars annuels transférés aux États-Unis. Si la vente miraculeuse d’objets magiques constitue bien son activité la plus rentable, elle tire d’un commerce plus classique des revenus non négligeables. Happy World Inc. distribue tout d’abord — parallèlement à Saeilo, le réseau commercial de Tong Il — des produits industriels « Made in Korea », machines-outils, tours, titane, etc.
Elle vend aussi, sur le marché japonais et à l’exportation, la production des usines moonistes locales. On s’étonnerait à juste titre que Moon ne se soit pas laissé tenter par l’aventure industrielle au Japon… Ce n’est pas le cas. La Famille possède une fabrique de conserves à Hokkaido et entretient au large des côtes de l’île une flotte de pêche très active. Près de Tokyo, elle élabore des boissons rafraîchissantes.
Enfin elle a, bien sûr, sa propre usine de composants électroniques et d’ordinateurs, depuis novembre 1981, dans le quartier de Shinjuku à Tokyo. La marque mooniste — Wakomu, Wacom — n’est pas encore très connue, mais l’accès au fabuleux marché de l’électronique et de l’informatique pourrait rapidement doubler ou tripler les ressources de l’Église japonaise. Les débouchés internes à la multinationale sont déjà largement exploités : Tong Il Corée et Allemagne utilisent cette technologie appliquée aux machines-outils et à l’aéronautique.
L’Église a pour la première fois présenté officiellement son usine d’ordinateurs, en avril 1985, à un groupe de pasteurs américains sympathisants du Mouvement, à l’occasion d’un séminaire sur l’« unificationnisme » organisé à Tokyo. Une publication interne de la Famille française rapporte fièrement la surprise manifestée par les ministres du culte « quant à l’ampleur et à la diversité du Mouvement ».
Les révélations de Soejima ne rendent donc pas compte de la totalité des activités de Happy World Inc. Elles ne nous éclairent pas non plus sur les retombées commerciales, au Japon, du décollage de certaines industries moonistes aux États-Unis.
Depuis le début des années quatre-vingt, Happy World Inc. propose au public japonais des produits « Made in USA » très prisés de la clientèle locale : les montres et les bijoux Christian Bernard par exemple, qui bénéficient du label « France » même quand ils sont fabriqués à New York. Ou encore des variétés de poissons et de crustacés, très abondantes sur les côtes américaines, mais hors de prix sur le marché de Tokyo.
Soejima ne nous dit pas un mot de ce florissant commerce monté par l’Église à travers tout l’archipel. Pourtant, dès octobre 1980, Sun Myung Moon annonce à ses fidèles new-yorkais qu’il a confié l’organisation de la vente du poisson au Japon, à son « ministre des Finances » Takeru Kamiyama. C’est dire l’importance qu’il y attache. À la Fin de l’année, au dire du « Père », il gère déjà « cinq chaînes de vente au détail, en plein développement ».
Pourquoi ce subit engouement pour les produits de la mer ? Le prophète ne cache pas qu’il en attend des profits supérieurs à ceux qu’il a su réaliser jusqu’alors. …
La mystérieuse Unification Church International
Fondée officiellement en février 1977, elle opère en fait depuis décembre 1975, date de l’ouverture de son premier compte en banque. Ses statuts la définissent comme une société « à but non lucratif », classification qui, aux termes de la législation américaine, lui permet en théorie d’échapper à l’impôt sur les bénéfices. Ils stipulent que l’UCI « opère dans un but strictement religieux, charitable, littéraire et scientifique… » et a pour objet principal « d’assister, conseiller, coordonner et guider les activités des Églises de l’Unification […] à travers le monde ».
Vœux pieux ! De décembre 1975 à la fin de 1978, sept à dix millions de dollars transitent pair son compte principal pour financer les premières aventures industrielles et commerciales de la Famille américaine : News World Communications — le groupe de presse —, International Oceanic Enterprises, la maison mère d’international Seafood de Gloucester, US Marine Corporation, US Foods, Il Hwa American Corp. et One Up Corporation, la deuxième holding du groupe.
L’argent, bien entendu, vient du Japon et de Corée.
L’itinéraire de ces capitaux n’est pas toujours très clair. Normalement les transferts se font par virements bancaires internationaux. Procédures souvent longues et bureaucratiques à cause du contrôle des changes en vigueur au Japon et en Corée. Dans les années soixante-dix, yens et wons ne sont convertibles en dollars qu’en toutes petites sommes.
Sun Myung Moon doit donc acheminer ces capitaux en espèces. Les filières qui permettent de contourner la législation sont multiples. Il utilise le plus souvent les services des groupes moonistes qui font la navette entre l’Extrême-Orient et les États-Unis. Chaque étranger pénétrant sur le territoire américain est, en effet, autorisé à importer 5 000 dollars ou leur équivalent en devises convertibles. (En 1985, cette limite est fixée à 10 000 dollars.) Profitant des voyages fréquents de la troupe des Petits Anges ou des missionnaires du Global Team, il peut donc maintenir un flux constant d’argent frais de l’Asie vers l’Amérique.
Le dernier transfert connu remonte à juillet 1982. Le dissident Soejima raconte qu’à l’occasion de la venue à New York de 2 000 couples pour le mariage collectif du Madison Square Garden, 400 Japonais ont transporté chacun 2 000 dollars. En tout, 800 000 dollars, vraisemblablement destinés au quotidien Washington Times.
D’autres systèmes seront occasionnellement mis en œuvre pour sauter l’obstacle du contrôle des changes coréen : des prêts consentis à la Fondation coréenne pour la culture et la liberté (KCFF) à Séoul seront remboursés à Washington par le bureau local de l’Association. Par ce jeu d’écritures, des millions de dollars rejoindront les caisses de l’Unification Church International. De tels mouvements de capitaux laissent des traces. En épluchant les comptes de l’UCI en 1977, le Trésor américain découvrira vite que la fondation religieuse est en fait une holding très active et lui refusera le privilège de l’exemption fiscale. Mais plus de deux ans se seront alors écoulés depuis sa réelle mise en activité et la plupart des grandes affaires moonistes auront déjà bénéficié de ses largesses.
L’UCI aura même, entre-temps, tenté d’acquérir une banque, la Diplomat National Bank (DNB) de Washington, fondée en 1975 par un jeune homme d’affaires américain d’origine coréenne, pour soutenir le développement des échanges entre l’Amérique et l’Asie. Depuis son arrivée aux États-Unis, Moon a souvent confié à son entourage qu’il souhaitait contrôler au plus tôt une institution financière lui permettant d’assurer discrètement les aller-retour de devises rendus nécessaires par la structure éclatée de son empire.
L’occasion s’en présente quand Charles Kim, le président de la DNB, à la recherche d’investisseurs, fait la connaissance de Bo Hi Pak. Ils ont un ami et collaborateur commun : Jhoon Rhee, que nous avons déjà croisé plusieurs fois en compagnie du bras droit de Moon (cf. chapitre 9). La réponse de l’Église de l’Unification ne tarde pas : le « Nouveau Messie » est disposé à prendre une substantielle participation au capital de la DNB.
L’opération se révèle techniquement difficile à réaliser. La loi fédérale et la réglementation bancaire applicable en l’espèce se conjuguent en effet pour limiter les possibilités d’achat d’actions : aucune organisation ou holding ne peut posséder plus de 25 % d’une banque américaine et les statuts de la DNB interdisent à ses actionnaires de détenir plus de 5 % des parts.
De curieux actionnaires
Le moyen est vite trouvé de surmonter la difficulté : l’Église confiera à un certain nombre de ses fidèles le soin d’acheter leur quote-part d’actions. Parmi eux, quelques hautes personnalités du Mouvement qui peuvent difficilement nier leur affiliation : Moon lui-même, Bo Hi Pak, Neil Salonen — le président de la Freedom Leadership Foundation, section américaine de Victoire sur le communisme —, ou Takeru Kamiyama — le « grand argentier » japonais de l’Église.
Mais la masse des porteurs moonistes — dix-huit en tout — est parfaitement anonyme et ne risque pas d’attirer l’attention. C’est du moins ce qu’imagine le « Père ». Deviennent ainsi actionnaires de la DNB le majordome de Bo Hi Pak et sa secrétaire à la KCFF ! Selon l’expression consacrée par les circulaires internes du Mouvement, la banque tombe alors — à plus de 50 % — « sous le contrôle » de la Famille.
Les fonds remis aux « frères » et « sœurs » — de 18 000 à 100 000 dollars selon les portefeuilles à constituer — proviennent encore une fois, pour l’essentiel, d’une énième fondation appartenant au Mouvement, l’Unification Church Pension Fund International. C’est la version officielle de l’Église.
À l’origine, il s’agirait — non, je n’invente pas — d’une caisse d’entraide pour les vieux de la Famille, gérée depuis Tokyo par un dirigeant de l’Église japonaise. La caisse aurait prêté de l’argent à un certain nombre d’ayants droit intéressés par un placement mobilier.
L’histoire est touchante, mais manque de consistance. Nombre de bénéficiaires des prêts ont moins de quarante ans et la plupart d’entre eux n’ont jamais entendu parler d’une caisse de retraite quand ils touchent l’argent. La Fondation n’a, sur le papier, aucune existence légale et personne n’en a jamais vu les statuts. Circonstance aggravante, le colonel Bo Hi Pak — cerveau de l’opération — s’est vu remettre des fonds en espèces, en plusieurs versements échelonnés d’août à octobre 1975.
Or, souvenez-vous, Soejima et Inoue — les dissidents de l’Église nippone — affirment avoir reçu, en juillet 1975, l’ordre express de Moon de transférer désormais les bénéfices japonais aux États-Unis. Précisément le mois où le « Nouveau Messie » rencontre pour la première fois les promoteurs de la Diplomat National Bank. La réaction des « frères » japonais a donc été très rapide. Par les filières décrites plus haut, près d’un million de dollars ont gagné la caisse noire de l’Église américaine avant d’être distribués aux futurs actionnaires.
À l’automne 1975, Sun Myung Moon possède, enfin, sa propre banque. Il s’empresse aussitôt d’y ouvrir le premier compte officiel de l’Unification Church International. La holding mooniste devient rapidement le principal déposant de la DNB et peut, en toute quiétude, commencer le transfert des capitaux japonais vers les nouveaux « business » du « Père ».
Malheureusement, ce bel échafaudage ne résistera pas aux attaques de la presse libérale, qui découvre le subterfuge quelques mois plus tard. Le fisc, une commission d’enquête de la Chambre des représentants et le contrôle des opérations bancaires ne tarderont pas à mettre leur nez dans les affaires du prophète. « Père » doit battre en retraite. Pour tenter d’étouffer le scandale, la moitié des actionnaires moonistes de la DNB cèdent leurs parts en 1976 et 1977 et l’Église perd sa position hégémonique au conseil d’administration. L’UCI continuera cependant à utiliser ses services jusqu’en 1979, date à laquelle son compte sera mis en sommeil.
Peu à peu, l’Église et ses deux holdings — UCI et sa filiale One Up Inc. — diversifieront leurs partenaires bancaires. Aujourd’hui, la Famille joue sur de multiples comptes à la Chemical de New York, la Riggs et l’American Security Bank de Washington ou la Wells Fargo de San Francisco.
La Diplomat National Bank aura cependant bien mérité de la cause mooniste : pendant deux ans — cruciaux pour le démarrage de ses principales entreprises —, elle aura couvert les fébriles activités de l’UCI, première « holding religieuse à caractère non lucratif » de l’histoire commerciale moderne des États-Unis…
L’empire Moon – Jean-François Boyer
5. Témoignage d’un ancien responsable de la secte Moon en Russie
Résumé d’un texte traduit de l’anglais
Lev SEMENOV, professeur à l’Université de TVER (Russie) a exposé devant la FECRIS (Fédération Européenne des Centres de Recherche et d’information sur le Sectarisme) le 26 avril 2006, à Bruxelles, son expérience à l’intérieur de la secte MOON (Eglise de l’Unification), en tant que haut responsable entre 1990 et 1996.
En 1990, alors que j’enseignais à l’Université d’Etat de TVER (Russie), mon doyen m’a fortement incité à me rendre à Sofia (Bulgarie) pour une conférence qui s’est avérée être un séminaire d’introduction au vaste Mouvement de l’Unification de Moon. J’étais alors un chrétien marginal, non baptisé, et considérant la Bible comme un texte historique, sans plus, et à critiquer comme tel. De plus, comme beaucoup à cette époque, j’éprouvais de la sympathie pour les dissidents et je détestais le communisme. Moon était, disait-on, le « premier » des anti-communistes ; d’où mon entrée dans le mouvement.
Quelques mois seulement après, j’ai été affecté comme conseiller dans un service de l’Education Nationale ; et c’est ainsi qu’un directeur du Service des Relations Inter-religieuses de l’Education Nationale est entré au Bureau de l’Eglise de l’Unification en Russie.
Pourquoi mon désenchantement, … et ma tardive sortie
Plus je suis monté haut dans la hiérarchie [mooniste], plus j’ai connu les secrets de sa « cuisine » et le manque de sincérité des dirigeants. Une dernière goutte d’eau a fait déborder le vase : les moonistes voyaient combien leur enseignement était éloigné de la culture russe. Ils ont voulu que je fasse partie d’un groupe voué à trouver tous les points de convergence possibles entre la tradition russe imprégnée d’orthodoxie, et les idées de Moon. Alors, j’ai étudié les Pères de l’Eglise. La profondeur de leurs pensées m’a saisi et j’ai réalisé ma terrible bévue ; alors j’ai décidé de ne pas en sortir sans avoir de quoi démasquer cette secte totalitaire. Ma position élevée au bureau central jusqu’au dernier jour m’a permis d’accumuler des éléments de preuve pour le livre que je vais terminer, éléments en vertu desquels la secte n’a jamais pu me contredire.
« empire Moon »
Cet « empire » promeut quelque 200 projets : religieux, politiques, culturels, éducatifs, industriels, etc… Tous sont sous le contrôle de personnes investies plus ou moins secrètement pour promouvoir les idées de Moon, et pour établir une autorité publique mondiale. En avril 2005, en Corée, Moon a « révélé » son « couronnement comme Roi du monde et de l’Unité Universelle » ; puis, devant les moonistes russes le 19 juillet 2005 il déclarait : « Moon et son épouse sont les sauveurs, le Messie, le roi et la reine de l’humanité, dès maintenant ». Ce n’est pas un simple propos de mégalomane, vu le plan concerté de pénétration dans beaucoup de ministères fédéraux et dans leurs services, et ceci est encore valable aujourd’hui dans quelques cas.
La liste des personnages officiels impliqués est impressionnante : présidents, dont certains encore en fonction, Premiers ministres, ministres, parlementaires, diplomates, politiciens en vue, scientifiques de renom, soit russes, soit américains, japonais, sud-américains. Par leur implication dans les événements du Mouvement de L’Unification (essentiellement des manifestations gigantesques) ils ont contribué à promouvoir l’image mondiale de Moon comme « pacificateur et unificateur », alors que celui-ci violait les droits de l’homme des moonistes de base.
Moon a créé de nombreuses structures dans lesquelles se sont fait « piégés » des dirigeants politiques de plusieurs pays. Par exemple :
L’Institut de Washington pour les Valeurs dans la Politique Publique, fondé en 1982, était centré sur les problèmes de politique intérieure et étrangère. Des documents prouvent la participation directe à des actions publiques de cet institut de personnalités politiques comme le Dr. Eugène Rostow, ancien directeur du U.S. Arms Control and Disarmament Agency, Mr. Charles Lichtenstein, ancien représentant des USA à l’ONU, Stephen Sulargz, membre de la Chambre des Représentants, etc…
Causa International, fondé en 1980, a mission de critiquer le marxisme, de lutter pour les droits de l’homme et contre le totalitarisme ; à la fin des années 80 des « groupes de travail » étaient installés dans plus de trente pays. Dans les années 60, la Fédération Internationale pour la victoire contre le communisme poursuivait les mêmes buts.
La Fédération Civile pour l’Unification de la Patrie, fondée en 1987, avait pour but officiel la réunification des deux Corées devenant un « free and fearing God State », un Etat « divin ». Un lieu de prière a été construit, contigu au 38ème parallèle [frontière entre les deux Corées]. Moon déclarait : « Le monde entier est à ma main, je vais le conquérir, le subjuguer ». « Le temps va venir où mes paroles auront presque force de loi ».
Prosélytisme intense en Russie
A partir des années 70, il y eut des visites sporadiques de missionnaires moonistes clandestins (interprètes, enseignants de langues, businessmen). A partir de 1990, se sont développées des actions au grand jour. En avril de cette année-là les moonistes ont réussi, sous le couvert de leur Association Mondiale des Médias, à diriger la 11eme Conférence Mondiale des Médias avec l’aide de l’agence de presse Novosti ; pendant la conférence Moscou a reçu une impressionnante arrivée de dirigeants de sectes totalitaires conduits par le « révérend » Moon lui-même et son épouse, qui ont été reçus en audience par Gorbachev.
Cette audience a fait ouvrir (1990-91) les portes des principales universités, et elle a permis à Moon de faire venir, tous frais payés, aux USA, quelque 3 000 étudiants sélectionnés. Ainsi ont été recrutés des cadres et des dirigeants professionnels majeurs. Même système d’invitations gratuites pour des députés, des scientifiques, de grands journalistes.
En mai 1992 l’Eglise de l’Unification a été enregistrée au ministère de la Justice. En 1994, est créée l’Association Universitaire pour l’Etude des Principes CARP ; la Fédération des Femmes pour la Paix Mondiale est enregistrée cette même année. Plus de 100 000 citoyens russes ont fréquenté les séminaires moonistes entre 1992 et 1993, ceci dans les meilleurs centres des Pays Baltes et de Crimée. Les dirigeants de la secte projetaient d’organiser des séminaires spéciaux pour les ministères de la défense et de l’intérieur de la Fédération de Russie.
A noter un lobbying planifié visant le Comité d’Etat pour l’Enseignement Supérieur, et par là l’envoi gratuit de douzaines d’étudiants à l’Université de Bridgeport (Connecticut). Ceux-ci étaient assurés d’un appui spécial à leur retour. Au ministère russe de l’Education, très vite les moonistes s’attirèrent la sympathie de membres de divers départements, y compris le vice-ministre responsable des grandes écoles. Des groupes de travail dits Renouveau Spirituel et Ecoles Supérieures d’Education de Russie ont fonctionné en Crimée. L’infâme cours Mon monde et Moi1 y était donné en 1993, ainsi que dans d’autres régions, massivement.
1 Manuel mooniste destiné à l’enseignement supérieur.
L’armée fut une cible privilégiée de pénétration, depuis le service chargé des camps de détention pour jeunes délinquants dont les moonistes assuraient l’encadrement, jusqu’au manuel mooniste érigé en méthode à l’intention des étudiants des académies militaires. Une lettre personnelle adressée à Moon en 1994 (à l’occasion du 40ème anniversaire de son église) par un Général Major, président de l’association Armée et Société, reflète une attitude d’une extrême révérence envers le leader de la secte : « Du 26 au 29 mars nous avons eu l’honneur de participer à la Seconde Conférence pour la Paix Mondiale. Les résultats de la Conférence et les débats autour de vos idées donnent l’espoir de joindre [nos] efforts à ceux de l’Eglise de l’Unification, au nom des valeurs communes à tout le genre humain ».
Une tradition de liens entre les universités d’élite de Russie, formant les diplomates, et la secte américano-coréenne s’est enracinée et est toujours vivante. En février 1995, à l’Université de Moscou, l’Académie diplomatique du ministère des Affaires Etrangères de la Fédération de Russie a dirigé la Conférence Internationale des Etudiants sur le Leadership, conjointement avec le CARP (Comités Académiques pour la Recherche des Principes, association mooniste) où étaient invités des étudiants russes, américains, chinois, coréens (nord et sud), et japonais. Des professeurs bien connus, enseignant dans ces universités, ont participé à l’International Leadership Conference, dirigée par Moon, en septembre 2005 à New York.
Coordination intersectes
La secte Moon a essayé de devenir coordinatrice de toutes les sectes totalitaires actives en Russie. Ainsi une lettre de Vladimir Kuropyatnik, une des têtes de la Scientologie à Moscou, adressée à Moon en personne, en 1996, comporte ces mots : « Nous sommes intransigeants, extrêmement intransigeants, et nous voulons atteindre nos objectifs à tout prix. Vos buts et les nôtres sont similaires ».
Les dangers pour l’individu, la famille et la société
– La personnalité humaine est disloquée au terme d’une manipulation mentale sectaire. Devenu un agent d’exécution « zombifié », l’adepte est prêt à accepter sans réflexion toute directive, et à se conformer à tout ordre des dirigeants de la secte.
– Les moonistes ont causé beaucoup de malheurs à bien des familles russes, et beaucoup de jeunes y ont quitté leur maison, leurs parents, qualifiés juste de « parents biologiques » : Moon et sa femme étant leurs « vrais parents ».
– Les jeunes y abandonnaient leurs études, et de jeunes hommes leur nouvelle épousé.
Les moonistes, sorte de « colonisateurs spirituels » sont venus en Russie au début des années 90 prêts à remplir le « vide idéologique ». Profitant de la soif de spiritualité naturelle après 70 ans de privations, ils ont envahi ce « marché » en usant de l’arsenal de méthodes de mise sous influence élaborées depuis des années hors de Russie, et en s’appuyant sur leur empire multimillionnaire en dollars.
Dans le résumé de sa thèse de Doctorat en Philosophie, sur les activités des moonistes en Russie, Zhukov écrit :
« La lutte principale des dirigeants de l’organisation mooniste demeure le combat pour le pouvoir spirituel, économique et politique dans le monde entier ».
Déjà, dans son allocution du 16 juillet 1978, intitulée « L’Histoire et notre responsabilité », Moon promettait à ses fidèles : « A l’avenir le monde entier dépendra de nous ».
L’idée maniaque de Moon visant à la domination du monde est vouée à l’échec, mais cela ne réduit pas le danger réel de pénétration de la secte à l’intérieur des différents pays.
Structures moonistes citées dans cet article :
– L’Institut de Washington pour les Valeurs dans la Politique Publique
– Causa International
– La Fédération Internationale pour la Victoire sur le Communisme
– La Fédération Civile pour l’Unification de la Patrie
– Association Mondiale des Médias
– Association Universitaire pour l’Etude des Principes (CARP)
– La Fédération des Femmes pour la Paix Mondiale
– Renouveau Spirituel
– Ecoles Supérieures d’Education de Russie
– Comités Académiques pour la Recherche des Principes
Le texte original en anglais est consultable ici
6. Le temoignage de Philippe Caby, ancien “mooniste”
Dans sa jeunesse, Philippe Caby, un Français, a été l’un de ces « moonistes ». En 1974, il devient même, pendant quelques mois, photographe officiel du « père ». Il reste deux ans dans le mouvement qu’il quitte brutalement, épuisé psychiquement. Aujourd’hui, Philippe Caby a 63 ans. Catholique pratiquant, cet ancien professeur de droit et de théologie a des responsabilités pastorales dans le diocèse d’Arras.
Comment êtes-vous entré dans la secte Moon ?
Le premier contact a eu lieu en septembre 1973. J’étais en DEA de Droit et je travaillais comme Conseiller dans un Cabinet juridique et Fiscal, à la Bourse de Lille. Dans la rue, à côté de la gare SNCF, j’ai rencontré 2 jeunes qui m’ont parlé de Dieu, de l’Unité des Chrétiens et de la Paix dans le monde… Il était 22h. Je leur ai promis d’aller les voir dans leur centre lillois le lendemain… A l’époque, la secte s’appelait « Association pour l’unification du Christianisme Mondial ».
Vous y êtes allé ?
Oui. Là, je fus chaleureusement accueilli, et dans un premier temps on lisait la Bible, l’ancien et le nouveau testament. Ça me semblait acceptable… J’y retournais de plus en plus souvent. Même les week-ends, je les passais avec eux. Très vite, on me présenta un livre: « les principes divins » qui se révéleront être la 3ème partie de la Bible selon Moon….
Qu’est-ce qu’il y a dans ce « troisième testament » ?
D’après lui, c’est une révélation que Dieu lui a donnée. Moon y revisite le plan du Salut, depuis l’ancien testament au nouveau testament, pour arriver à lui, Moon, le vrai messie, celui qui va donner au monde, non seulement le salut spirituel, comme l’avait déjà fait Jésus, mais surtout terrestre. Grâce à lui, il y aura la paix universelle, le monde deviendra un paradis. Jésus n’a pas pu eu le temps de le faire car il a été assassiné par Satan…
Moon se présentait donc comme le deuxième Messie ?
Selon Moon, l’homme a chuté avec Adam et Eve. Mais dans le plan de Dieu, l’homme idéal devait revenir. Cet homme idéal, c’était Moon ! Un nouvel Adam, parfait, qui devait trouver une Eve, parfaite. Leurs enfants seraient sans péché. Les membres de la secte, après purification, peuvent eux aussi redevenir des femmes et des hommes parfaits ! D’où ces mariages collectifs par milliers.
C’est la théologie de Moon : que le monde soit uni, grâce à de nouvelles familles. Lors de ces mariages collectifs, il mélangeait volontairement les langues et les cultures.
Comment la théologie mooniste peut-elle justifier la mort de son messie ?
Je pourrais vous répondre que le Christ est mort, lui aussi. Moon avait réponse à tout. Il prépare sa mort depuis 15 ans. Il a transmis le flambeau spirituel à son dernier fils qui a sûrement préparé une explication théologique. Malheureusement, je pense que la secte va perdurer. D’autant qu’il y a beaucoup d’argent. Moon a amassé une fortune colossale. Ses nombreux enfants risquent de se disputer l’héritage mais je reste encore en contact avec quelques moonistes qui sont persuadé que la secte ne va pas s’effondrer….
Comment avez-vous rencontré Moon ?
Un jour, on m’a dit que Moon m’avait choisi pour être le leader du mouvement en France. Pour vérifier que c’était bien ce que souhaitait le ciel, on m’a demandé de faire un jeûne de 7 jours…. Ce que j’ai fait, sans qu’on me force ou qu’on m’enferme. Avec les moonistes, il y a toujours cette pression qui fait qu’on a envie d’aller plus loin. Pendant une semaine, je n’ai fait que boire. Dès le deuxième jour, on commence à avoir des cauchemars et des hallucinations. Là, on vous donne des livres à lire sur les esprits, le rôle cosmique des planètes ou sur l’arrivée du messie. Des trucs complètement débiles mais qu’on finit par croire, par faiblesse…. Je suis ensuite parti aux Etats-Unis, où vivait Moon, pour continuer ma formation.
Comment ça s’est passé là-bas ?
J’ai participé à une grande campagne d’évangélisation à travers les Etats-Unis. En quatre mois, j’ai traversé 37 des 50 états américains…. On se déplaçait par centaines, en mini bus. Sur la route, on ne se s’arrêtait pas, sauf pour faire le plein d’essence. Une fois, j’ai conduit 4000 kilomètres d’affilée ! Derrière moi, il y avait des gens qui me « magnétisaient » pour que je ne dorme pas. J’étais comme un zombie, télécommandé. On sillonnait les villes et les universités américaines pour recruter. On travaillait 22 heures sur 24. Dans chaque ville, notre mission était de faire du porte à porte et de distribuer des tracts. On ne mangeait que deux fois par jour: une fois le matin à 6 heures, et puis une fois le soir à 22 heures. Nous devions avoir faim pour mieux lutter contre le diable. Dans la rue, on chantait des chants chrétiens. L’objectif était d’inviter un maximum de gens aux conférences que donnait Moon, le soir. C’est pendant l’une de ces conférences que j’ai vu Moon pour la première fois….
Quelle impression vous-a-t-il fait ?
J’ai été surpris car il ne parlait pas anglais… Il parlait uniquement en coréen. Son traducteur ne le quittait pas. Mais il avait un charisme extraordinaire. On le sentait tout de suite… Je suis, par la suite, devenu le seul photographe officiel de la campagne. Moon disait que c’était des moments historiques qui ne devaient pas être divulgués de partout….
Vous avez côtoyé Moon de près pendant ces quelques mois passés aux Etats-Unis. Quel était sa personnalité ?
C’était un homme colérique. Il pouvait parler violemment. Il savait ce qu’il voulait et n’en démordait pas. En revanche, sa femme était très douce et gentille. Elle permettait de nuancer les choses. Un chêne à côté d’une rose…
Qui était Moon ?
Un Coréen né en 1920. Il a formé des groupes de prière charismatique. Il a peu à peu basculé dans la transe et a commencé à avoir des visions de Jésus qui lui aurait confié une nouvelle mission….
Moon croyait vraiment à ce qu’il racontait ?
Je pense qu’à force de répéter qu’il était le messie, il y a cru ! Il est tombé dans son propre piège. Moon s’est marié plusieurs fois avant de trouver sa véritable Eve. Personnellement, c’est ce qui a commencé à me choquer: comment un vrai prophète peut-il se tromper à ce point ? Mais encore une fois, il avait des réponses à tout…
Moon était à la tête d’un empire financier colossal. Près d’un milliard de dollars. Comment a-t-il pu amasser autant d’argent en si peu de temps ?
C’était un homme d’affaires. Il savait faire du business et a monté de nombreuses sociétés. Et puis il a créé des centaines d’institutions caritatives pour la paix dans le monde ou pour le droit des femmes, par exemple. Il arrivait à générer de grosses subventions. C’était un roi de la communication, une personnalité extraordinaire, d’un point de vue intellectuel mais aussi psychique. Il utilisait des techniques de persuasion puissantes. Il a d’ailleurs été vu avec tous les grands de ce monde !
Comme qui ?
Imaginez que pendant mon séjour aux Etats-Unis, nous avons rencontré le président Nixon pour le soutenir dans l’affaire du Watergate…
Le président Nixon prenait Moon au sérieux ?
Bien sûr ! A la même époque, Moon a approché le futur président Carter, qui, à l’époque, était gouverneur de Géorgie. Lui aussi est tombé dans le panneau, au point d’offrir trois jours de congés à ses fonctionnaires pour venir écouter Moon quand on était à Atlanta ! Je peux vous dire que Carter, comme Nixon étaient littéralement subjugués. Mais au final, il n’y avait qu’un gagnant dans l’affaire: Moon….
La secte revendique 3 millions de fidèles notamment en Corée du Sud et aux Etats-Unis. Qu’est ce qui fait le succès de Moon auprès du grand public ?
Ses idéaux de la paix mondiale. Il surfait notamment sur la cause de la réunification des deux Corées. Ses idéaux étaient très simples. Son discours passait facilement. Il disait vouloir créer une grande famille. Il savait influencer les gens. Quand il mariait 45 000 personnes en même temps, les conjoints se voyaient pour la première fois ! Ils n’étaient pas du même pays, et souvent ne parlaient pas la même langue… C’est ahurissant… Pour arriver à duper les gens à ce point, il faut avoir une forme de pouvoir. Pour moi, c’était une force psychique hors norme.
Comment vous êtes-vous rendu compte que vous étiez dans une secte ?
J’ai commencé à avoir de plus en plus de doutes… Un soir à la Nouvelle Orléans, j’avais besoin de solitude. Je suis entré dans une église méthodiste. J’ai passé la nuit dans l’Eglise. C’est là que je me suis converti et que j’ai vraiment compris que Moon était un imposteur.
En France, combien y-a-t-il d’adeptes ?
Il n’y en a jamais eu plus de trois cents. Le mouvement n’a jamais vraiment pris… La mentalité européenne ne colle pas au moonisme. Ici, nous sommes plus posés, peut-être plus raisonnables.
Quel regard portez-vous sur l’empire que Moon a bâti en quelques décennies ?
Je suis très triste car j’ai fréquenté beaucoup de moonistes. Ils sont dans la secte avec tout leur cœur. Trompés, ils y laissent leur vie. Après la mort de Moon, peut-être que certains vont être désillusionnés. Ce sera très dur pour eux… Le gourou n’est plus là. Et après tout, si on s’en tient au dogme de Moon, le messie est partie sans que le monde soit en paix… C’est un échec !
Propos recueillis par David Milliat
7. Pasteur et ex-mooniste, Martin Herbst
Une personne peu commune avec une histoire insolite a raconter
Biographie Jacob Egegang et Martin Herbst : « Mit livs omvej »
(Le détour dans ma vie), Lindhard et Ringhof ed. 281 p. 270 Dkr.
Un voyage dramatique à l’intérieur de l’organisation Moon.
Politiken 31-01-2009 p.4
Le Pasteur et ex-mooniste Martin HERBST, 40 ans, est une personne peu ordinaire avec une histoire insolite à raconter. Il a des dons originaux. Il a été cinq fois champion de billard du Danemark. Il a été le leader de l’organisation mooniste en Slovénie [et pour 13 pays]. Il a été marié en 1982 à Séoul avec une Japonaise. Il a été mooniste au top-niveau aux USA.
En 1999 il a quitté [après 18 ans] l’organisation, et il a entrepris des études de théologie, à l’Université. Aujourd’hui il est pasteur dans la paroisse de Copenhague, Korsvejkirke (Amar)…
« Mon livre doit être vu avant tout comme un récit personnel exact sur ma vie dans une secte controversée.
Son éthique relève de valeurs patriarchales et une stricte morale sexuelle. C’est une entreprise multinationale riche à milliards, fonctionnant avec des émetteurs radio, des chaînes de TV, des journaux (Washington Times), des chantiers navals et beaucoup d’autres choses. Son succès repose sur les membres qui y sacrifient leur vie.
Une volonté de fer
Lorsque comme adolescent il a découvert le billard, il laissait ses amis aller à la plage et il s’entraînait. Devenu mooniste *, il maniait beaucoup d’argent ; il travaillait plus dur et plus longtemps que les autres. Quand il a commencé ses études de théologie, il potassait comme personne avant lui, et il a reçu les meilleures notes en un temps record. C’est cette ardeur au travail, cet engagement acharné qui ont fait de Herbst le parfait mooniste. C’est ce qui constitué la base de sa carrière dans l’organisation.
Martin Herbst a rompu avec l’organisation en 1999. Ceci n’a pas été causé par des incompatibilités théologiques ni par des éléments doctrinaux, mais par la discordance vu la débauche de Moon et celle de ses fils, et le fait que tout en vient au sectarisme, en tous les cas pour le leader en fait de sexe et de pouvoir.
La doctrine chimérique et contradictoire est simplement un bourrage de crâne. Le leader de la secte (sekt) se présente lui-même comme le représentant de Dieu sur la terre et ceci comme la justification de sa position inattaquable et de son accès incontesté à toutes les femmes.
Moon prône la plus stricte monogamie et interdit le sexe hors mariage, mais lui-même avait différentes partenaires sexuelles, dont certaines particulièrement jeunes.. Le fils aîné de Moon faisait de même et il était par surcroît narcomane.
Ce fut une espèce d’imposture dans la haute direction, qui a mené Herbst à reconnaître qu’il y avait quelque chose de pourri au paradis de Moon. Il a rompu avec l’organisation ; a quitté les USA pour le Danemark décidé à devenir pasteur de la Folkekirke [l’Eglise Luthérienne officielle, ntd].
« Ce détour dans ma vie est décrit en détail au cours de toute cette histoire ». « Il s’agit avant tout pour le lecteur de s’intéresser à la nouvelle religiosité et au sectarisme, et comment vraisemblablement il pourrait aussi s’enflammer et se laisser fasciner par des gens bizarres avec une histoire extraordinaire ».
Trad ; un peu résumée de l’article de Lars Sandbeck J.R. 31-01-2009
* Selon la TVdanoise TV1, M. Herbst est allé au Moonisme pour tenter de secourir un ami.
Un article de deux pages est aussi paru le 31.01 dans Frederiksborg Amt Avis, Sjaellandske.
8. Lettre d’une mère
Mon fils est toujours un adepte de Moon, il a été marié à une japonaise lors d’un mariage de masse. Ils sont heureux et ont 5 délicieux enfants. Je m’inquiète pour leur avenir car ils sont exploités par Moon.
La suite résume bien le parcours typique d’un Moonie :
– Lorsqu’ils sont recrutés, les jeunes moonies doivent donner toutes leurs économies à Moon
– Puis ils travaillent gratuitement pour Moon pendant 10 ans. Leur travail consiste à « lever des fonds », c’est-à-dire mendier et recruter.
– Après 5 années, Moon les marie, les 5 années suivantes les couples vivent séparés pour contempler le côté spirituel de leur mariage
– Puis ils sont autorisés à vivre ensemble. Lorsque les enfants arrivent, ils peuvent prendre un nouveau travail pour nourrir, habiller et loger leur famille, mais ils doivent toujours payer leur dîme à Moon. Ils y arrivent à peine, en vivant de façon frugale, souvent dans des pays orientaux où le niveau de vie est bas.
– Les vols pour l’Europe ou pour le Japon ne sont possibles que si les parents ou grands parents les payent.
– Quand leurs enfants atteignent l’âge d’aller à université, il n’y a pas d’argent pour leur éducation
– Quand les moonies eux-mêmes atteignent un âge avancé et deviennent incapables de travailler, ils sont sans un sou, sans maison, ni retraite, et bien sûr sans économies.
– Leurs enfants ont été privés d’éducation et sont incapables de trouver un travail bien payé. Ce serait très difficile pour eux de subvenir en même temps aux besoins de leurs parents et d’eux-mêmes.
– Que la maladie ou la mort survienne avant que leurs enfants aient l’âge d’affronter la vie cette situation serait encore plus terrible
Mais ils croient que Dieu y pourvoira. Ils croient que Moon est Dieu ou sinon qu’il est le plus grand prophète depuis toujours.
Moon y pourvoira-t-il ? Je ne le pense pas. Vous voyez pourquoi j’ai du souci.
9. “Nous avons sauvé Alice mais les autres…”
“En 1973, je suis allée chercher ma belle-sœur, fourvoyée dans la secte Moon. Etudiante à New-York, isolée, Alice traversait une période difficile. Elle croisa les adeptes de M. Moon, gourou d’une secte.
Prise à l’altruisme du discours égalitaire, aux possibilités de voyages, etc., Alice entra en-religion ! Un édifice abritait les Moon de New-York. On y trouvait gîte et couvert. Sa famille entama alors le parcours du combattant. Aucun contact jusqu’au jour où elle partit chez les Moon de Londres. Mon mari et moi fîmes le voyage. Un long chemin nous amena au centre même, dans la proche banlieue de Londres. Le directeur local voulut nous en interdire l’accès : elle ne désirait pas nous voir. Nous ne lâchions pas prise ! On finit par nous faire entrer. Alice n’était jamais seule, toujours accompagnée de ses “frères et sœurs ” explique cette parente d’Alice.
“Dès le lendemain, le travail de sape commença. Ces jeunes croyaient que Moon voulait juste en finir avec le Communisme “qui pourrissait le monde”. Nous semions le doute dans les esprits. Notamment dans celui de John – fils unique d’une famille anglaise riche, convaincue de léguer ses biens à la secte. Le changement ne passa pas inaperçu. Le directeur français des Moon de Nancy fut appelé à la rescousse.
Il tenta aimablement de s’interposer entre Alice et nous. Notre obstination fit monter le ton jusqu’à la menace. Rien n’y fit. Nous voulions ramener Alice en France. A bout d’argument et fuyant le scandale comme la peste, il céda. En fin de semaine, nous sortions tous les trois. Elle ne revint jamais chez Moon. Mais qu’est-il advenu des autres ? Un lavage de cerveau et quelques punitions plus tard, ils ont dû rentrer dans le rang-avant de disparaître, sans trace visible, laissant des familles à jamais plongées dans l’angoisse”.
Y. M.
J’ai arraché mes enfants à Moon – Nansook Hong
« L’ombre de Moon » par Nansook Hong
Transcription de Sam Park vidéo en Français
« Billet pour le ciel » par Josh Freed